L’âme d’un aventurier

L’âme d’un aventurier ACTE 1 :


Hier je me décide enfin à aller explorer un endroit recommandé depuis des années par un « ancien » de ma famille.  Je charge dans la voiture mes deux cannes pour gros poissons (si jamais j’en casse une, comme ça), les waders, un bon pantalon pour les ronciers et en route! Je m’enfonce dans les terres, impatient de découvrir cet endroit plein d’espoir. J’ai pas forcément envie d’attraper de gros poissons, j’ai juste envie de me promener… découvrir de nouveaux endroits. En effet il y a quelque chose de palpitant à découvrir de nouvelles zones : c’est le départ vers l’inconnu. C’est bien moins confortable que de pêcher des zones que l’on connait comme sa poche et où on est sûr de trouver du poisson. C’est comme si c’était un challenge à relever… je m’égare, mais c’est ce qui tourne dans ma tête sur la route.


J’arrive enfin sur zone. Je me gare le long d’un champ de vigne, loin des regards et je me penche sur la carte IGN du coin. Et bien ça semble compliqué : C’est une zone d’expansion de crues qui se referme rapidement au sud avec sur la droite une grande falaise impraticable et sur la gauche une immense zone boisée qui semble très inhospitalière. Petit moment d’hésitation… de doutes, de questionnements. Y aller? Ne pas y aller? De toutes façons je suis là et on verra bien. Je décide d’enfiler un bon pantalon plutôt que le wader, pour ne pas le percer dans les ronciers! La suite de l’expédition va me donner raison.


Je traverse les vignes et je commence à m’enfoncer dans les taillis. La progression est de suite difficile. Des ronces de partout, des buissons qui meurtrissent les cuisses à chaque enjambée… ça s’annonce difficile. J’arrive enfin au bord de l’eau en dévalant la berge entre les aubépines. Je décide après un rapide coup d’œil sur la carte de descendre le cours d’eau et donc de prendre vers le sud. 200m plus bas il est possible de voir un énorme tronc de peuplier qui enjambe la rivière avec de grosses racines en vrac sur les berges.

 

 Je gagne la berge gauche et je commence à progresser dans les taillis en bordure… quelle épopée! Je me glisse furtivement entre les ronces, je rampe sous les branches et j’en passe. Plus je m’avance, plus je me dit que je suis un fou de m’aventurer par ici. La progression est extrêmement difficile et je suis énormément retardé par diverses glissades et accrochages! J’arrive enfin au niveau du tronc de peuplier. Là mes yeux s’émerveillent comme ceux d’un gosse. Au fond de l’eau il est possible de voir un groupe d’une trentaine de barbeaux dont le plus petit doit mesurer 60 cm… de vrais torpilles dorées. Des perches passent également dans un magnifique ballet bien organisé, la magie de la nature sauvage m’enveloppe et je passe de longues minutes à observer ces poissons.


Ce tableau vivant me coupe l’envie de pêcher ces poissons! Comme si le fait de pêcher pouvait troubler la quiétude des habitants de cet endroit. Je recule dans les fourrés et continu ma progression vers le sud. Après 100m environ d’infâmes ronciers (bien pire que ceux de Piquebussargues) je bifurque vers la droite et je regagne les berges qui ne sont plus escarpées. Les bords du cours d’eau sont maintenant assez dégagées sur 1 m de large environ. mais pas de traces de l’homme. J’ai l’impression de progresser dans une nature sauvage et conservée…pas de branches cassés, pas de traces de passage sauf celui des sangliers. la sérénité commence à m’envahir je suis heureux.


Il faut tout de même que je m’attarde quelques instants pour vous décrire l’environnement dans lequel je me trouve. C’est une immense forêt qui accompagne le cours d’eau… végétation luxuriante avec des arbres immenses qui culminent à plus de 25 m. Les cimes des arbres se rejoignent au dessus du cours d’eau pour former une voute végétale comme dans une canopée tropicale. Au milieu de tout ça l’homme n’est qu’un petit insecte. Sous ces grands arbres poussent une multitude d’arbustes, sous lesquels se sont développés d’immenses ronciers. Cela donne un ensemble inextricable sauf pour les sangliers bien sûr (j’en ai entendu plusieurs lors de ma progression).  Et au milieu de tout ça, coule un cours d’eau qui jongle entre les rochers et les troncs déposés par les crues qui témoignent de la violence des épisodes pluvieux dans la région (il est possible de voir des dépôts de crues à plusieurs mètres dans les arbres).


Durant 1h30 environ je longe les berges sans penser à pêcher. L’esprit accompagne les poissons qui se faufilent entre les blocs. Et puis je suis venu chercher les carpes et pour le moment je n’ai croisé que des perches, barbeaux et chevesnes…je commence à perdre espoir. Et puis j’arrive à un endroit où le cours d’eau amorce un virage et déboule sur une immense étendue d’eau large de plus de 50 m et longue de plusieurs centaines de mètres! Ahhhh là ça renifle le gros poissons. Je descend une partie de cette étendue d’eau et je commence déjà à penser au retour. Je ne devine aucun chemin, pas d’accès… pour tout vous dire je commence  à sérieusement me poser des questions! Surtout que toujours pas de traces du passage de l’homme. Brrrrrrrrr ça fait bizarre de se retrouver comme ça, mais ça a un côté diablement excitant. C’est comme si j’étais chargé d’une mission d’exploration et c’est moi qui dirige l’expédition.


Je trouve un passage de sanglier dans la berge et je me hisse dessus. De grands herbiers commencent à pousser entre les racines. Et je devine au loin des remous prometteurs. Vérifications du matériel : je serre moyennent  le frein du moulinet, pointe en 40/100° fluoro, et gros streamer sur hameçon de 2 (de la finesse, de la finesse!). Je commence à progresser le long de la berge entre les racines, les branches et les ronces… j’arrive au dessus des remous et je vois trois énormes carpes, dont une miroir superbe qui doit facilement dépasser les 15 kilos (non je rêve pas, elle est énorme).  A genoux sur la berge je commence à étudier e comportement du poisson. Elle mange goulument entre les herbes… quand elles font ça elles sont assez vulnérables.


Hop lancer arbalète et le streamer va chercher le bonheur quelques mètres plus loin. Plof à 50 cm de la tête du poisson… la carpe arrête de manger, s’immobilise et suis du regard la chute de la mouche. Petite animation et elle démarre comme une bombe, aspiration ferrage pendu!!!! Gros bouillon dans les herbiers le poisson se tortille et se frotte dans les herbes, je saute à l’eau! Et là, démarrage en trombe vers le large. Le moulinet chante et la canne soie de 8/9 commence à sérieusement plier. Je suis déjà sur le backing et le poisson file toujours… la carpe tourne brutalement sur la gauche, énorme chandelle dans 50 cm d’eau puis plus rien :  la soie se détend. Comme si j’y croyait encore, je ramène doucement, et non plus rien… Le verdict est là cassé. racine? Pierre? Fil qui n’a pas résisté? Dommage.


Je remonte sur la berge te décide tout de même de poursuivre mes investigations. Je remonte une sangsue noire sur du 40/100° et hop en route. Je découvre rapidement un troupeau de carpes miroir qui fait la sieste sous des branches. Approche délicate mais j’arrive enfin à bien me placer. Elles sont énormes, elles sont 5 et elles sont dans 1 m d’eau. Allez zou… on retente sa chance! EL streamer descend devant le poisson de tête rien ne se passe. Bon changement de tactique, je vais poser en plein milieu du troupeau ça marche souvent en déclenchant un réflexe de « territoire » et/ou de concurrence. Et bien vous ne me croirez jamais mais ça a trop bien marché… Les poissons ont tous réagit instantanément et se sont littéralement rentrés dedans pour attraper le streamer!!! Je ne pensais pas que des poissons pouvaient faire autant de bruit en se rentrant dedans… Bien entendu ils se sont tous fait peur et il ne reste que des matières en suspensions à la place des carpes sous l’eau… dégoutté!


Je me donne encore quinze minutes de pêche, ce n’est pas ma journée… je continu de descendre et  50 m plus loin j’entend comme un grognement « humide » qui provient de la berge! Ragondin? Castor? Et bien j’aurai aimé avoir des témoins : c’était une carpe monstrueuse qui venait racler les berges dans un bruite de succion et des grognements qui sortent tout droit d’un film d’horreur. J’ai commencé à  voir la chair de poule et à trembler… c’est un poisson énorme et il est actif le bougre! Mais là c’est impêchable. Des branches basses de partout…. je suis le poisson sur plus de 30 m le long de la berge elle n’a pas deviné ma présence. J’arrive enfin dans une zone légèrement plus dégagée. Je double le poisson comme un indien et je me place sur sa trajectoire supposée. Pendant une minute je sais que le poisson est là que à cause de ses grognements lugubres .


Et puis je la devine enfin… sainte mère de dieu (pourtant je ne suis plus croyant) c’est un monstre, un brontosaure venu directement de la préhistoire, elle est ENORME! Mon 40/100° semble ridicule mais je n’aurai pas souvent une telle occasion. J’observe le poisson qui mange tout ce qu’il trouve et hop mon streamer se pose sur le limon entre les herbes… Le poisson arrive! A 50 cm du streamer j’anime et le poisson vient tranquillement observer la mouche. La carpe bascule, sa nageoire caudale dépasse de l’eau et dans un mouvement de sirène elle aspire la mouche. Ferrage! Bingo et démarrage surprenant vers le large, elle est vraiment monstrueuse digne des plus grosses carpes des grands fleuves français.


Je suis la poisson à l’eau le moulinet chante et la canne prévue pour les très gros brochets et le saumon est littéralement pliée en deux, impressionnant je tremble! Je serre le frein, le backing file et file encore… je sais que je vais perdre le poisson, c’est la loi des séries jamais deux sans trois mais je veux y croire encore. Je serre le frein mais rien ne semble vouloir stopper le poisson. Deux puis trois, quatre énormes coups de têtes furieux… et c’est la fin. Comme tout à l’heure la soie se détend et tout espoir s’envole. Le 40/100° vient de lâcher (nœuds vérifiés, fil neuf…).


C’était un poisson énorme. Il dépassait surement les 25 kilos et je sais que je ne me trompe pas… Un monstre digne des records à la mouche en rivière. Paradoxalement je suis pas dégouté. Je reviendrai voir ce poisson et des copines…. et depuis hier soir je rêve à des cannes soie de 10/12, des moulinet énormes avec des freins surdimensionnés… je n’ai pas fermé l’œil de la nuit à cause de ces deux carpes… Je terminerai sur une citation de Sylvain Tesson, Eloge de l’énergie vagabonde (2007) :

Il y a dans la capacité d’émerveillement l’un des secrets de l’énergie vitale.

 

 

L’âme d’un aventurier ACTE II :


Depuis que suis allé là bas dans cet endroit perdu … d’énormes poissons me hantent, j’en rêve même la nuit. Aujourd’hui coup d’œil à la météo : le temps va se dégrader dans l’après midi avec sûrement des orages. Rien de tel qu’un changement de temps pour aller tenter sa chance sur les grosses carpes à la mouche. Petite consultation de la carte pour essayer de trouver un passage plus « praticable ». Rien, j’ai beau chercher sur la carte et compléter avec une vue aérienne… pas moyen de simplifier l’approche. Donc en route, on verra bien!


Au passage je complète mon attirail avec du 45/100° fluoro de 30 lbs de résistance. Je ne vous raconte pas la tête du vendeur quand j’y ai dit que je pêchais à la mouche et que ce n’était pas du carnassier. Je crois que je suis passé pour un fou. Bref me voilà en route pour une deuxième tentative. Sur la route ça commence bien… le CD que suis entrain de passer (du MUSE pour les amateurs) semble rayé. Allez, ce n’est que de la musique (mais quand même!).


J’arrive à proximité de l’endroit où je m’étais garé il y a quelques jours. Ce coup ci je m’avance plus et je m’épargne 500 m de marche à travers les champs (Oui de temps en temps je suis flemmard, surtout sachant ce qui m’attend!) Hop je change de pantalon, une bonne paire de chaussures de marche qui ont bien vécu et en route. Ce coup ci, je laisse la canne dans son fourreau et je la sangle avec la grande épuisette à mon sac à dos. (Je pense que ça sera plus pratique pour traverser les ronciers).


Je retrouve facilement mon passage… il y a encore mes traces d’il y a deux jours. Je traverse la rivière et je commence à progresser dans les taillis. Ce coup ci je casse une branche tous les 5 m environ pour matérialiser mon passage et faciliter mon retour. Je progresse ainsi en jurant dans les ronciers, passant à quatre pattes sous les branches et en escaladant les gros troncs qui jonchent le sol. C’est vraiment digne de l’Amazonie profonde.  Pour renforcer se sentiment d’immersion dans la « jungle », de nombreux bruits viennent des profondeurs des bois.


Le temps commence à sérieusement se couvrir et comme dise les anciens « ça commence à sentir la pluie ». Rebrousser chemin?  Hors de question, j’ai une revanche à prendre, il faut que j’aille au bout, que j’accomplisse « ma mission » (même si j’en ai pas en fait, on s’invente souvent des histoires en allant à la pêche, non?). Et ce coup ci au détour d’un chenal de crue, je vais avoir la frousse de la journée! J’avançais de manière plutôt bruyante pour faire fuir les éventuelles bestioles que je pouvais rencontrer. Et bien je suis tombé nez à nez avec trois gros sangliers qui fouinaient dans la boue… je ne sais pas qui a eu le plus peur eux ou moi? Et bien ça fait bizarre dans la poitrine… drôles de sensations.


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Le seul passage « correct » dans les bois, juste avant les sangliers

(Photo : FONTANELLI Julien 2011)

 

Du coup ça m’a motivé pour avancer plus vite et sortir de là au plus vite! Je me suis servi du fourreau de ma canne pour finir de me frayer un chemin au milieu des ronces… le tout agrémenté de très nombreuses égratignures et quelques jurons dans un français pas très très correct dirons nous! Ouf entre les arbres je commence à voir de la lumière au niveau du sol, je dois arriver à la lisère de cet enfer vert. Hop j’accélère encore le pas et me voilà au bord d’une prairie qui, vu sa configuration, doit servir de champ d’expansion de crue en période pluvieuse. Je me retourne et j’entend encore les nombreux bruits de la forêt. Je lève la tête et je regarde avec admiration les arbres qui sont devant moi. Ce sont de magnifiques chênes de plusieurs siècles… Des arbres immenses et majestueux. On ne se refait pas, j’adore les arbres (il y a des bruits qui courent que c’est mon travail les arbres et le paysage!!!).


Je longe la lisière et le temps est vraiment de plus en plus menaçant. Le vent commence à souffler et de gros nuages noirs avancent à bonne vitesse dans ma direction. Déjà, les premières gouttes de pluie viennent s’écraser sur mon visage. Et mince, j’ai oublié mon chapeau, avec ma chance je vais me prendre une de ses averses… J’avance 20 bonnes minutes en contournant de nombreux bosquets et je retrouve mon chemin (en fait une piste de sanglier) et je bifurque à droite. Descente très acrobatique sur l’argile et me voilà sur la berge à quelques mètres de l’eau en surplomb de la rivière.


Je sors la canne de son fourreau, je monte méticuleusement les quartes éléments. Ensuite vérification du frein du moulinet et pointe de 45/100°… je sais pourquoi je suis là. Je soigne mes nœuds, avec de tels poissons pas droit à l’erreur (surtout avec du fluoro). Dans ma boite je sors ma mouche fétiche pour les grosses carpes : une grosse sangsue sur hameçon très fort de fer avec une bille en tête. Pour pêcher à l’arbalète sous les branches cette mouche est royale. Pendant que je finissait mes nœuds, je devine une énorme nageoire qui se dandine dans les herbiers à quelques mètres de moi… je me lève et je ne verrai plus jamais ce poisson! Volatilisé, disparu.


Donc les carpes sont actives, le temps qui tourne à la pluie semble porter ses fruits. Je commence à prospecter les bordures. Rhaaaaaaaa que ça pique tout ça!!! Infernal, surtout qu’il faut faire attention à tout : se faufiler entre les branches basses, les ronces, les buissons épineux… Et en plus comble de l’histoire, il commence à pleuvoir vraiment très fort! L’eau dégouline de partout et la visibilité chute fortement. Je raterai deux carpes au ferrage… pas facile de ferrer correctement les poissons avec toutes ces branches, j’ai peur de casser la canne! Et puis il faut dire que comme d’habitude je pêche dans des endroits « impossibles ». Il y a des racines partout, les branches des arbres touchent l’eau… la seule option pour ne pas perdre le poisson, si j’en pique un, c’est de plonger avec lui et de passer la canne sous les bois immergés… ça peut sembler débile mais je l’ai déjà fait à de nombreuses reprises. Le tout, c’est de bien calculer son affaire (et d’espérer que la carpe file au large et ne décide pas de faire des « looping » dans les racines).


La pluie devient vraiment très forte et je commence à sérieusement avoir froid. J’ai les lunettes polarisantes remplie d’eau et de buée, c’est dur et je commence à perdre espoir. Le bruit de l’eau sur les feuilles que j’aime d’habitude… et bien ce bruit commence à m’énerver. Je suis trempé jusqu’aux os. A ce moment pour moi la partie est fichue. De grands moments de solitude où l’on pense à la victoire de la nature sur notre volonté et notre persévérance. En parlant de persévérance, je me relève et je scrute plus loin là bas sous les branches… et là en surface deux nageoires dorsales émergent à intervalle régulier!!! Bingo des gros poissons. Je m’approche et quelle n’est pas ma déception de voir que l’endroit est vraiment infernal à pêcher.


Des branches de partout, des orties, des ronces, des racines, des branches cassées… et au milieu de tout ça 5 carpes. Trois très grosses qui dépassent à vue d’œil les 20 kilos et deux plus petites qui doivent tourner entre 10 et 15 kilos. Difficile à estimer tellement elles sont dodues ici. Si le patron des pêcheurs à la mouche existe, à ce moment là je pense très fort à lui… je vais tenter l’affaire. Elles sont magnifiques, elles sont actives, et moi je retrouve l’énergie nécessaire. Faut dire que là pour le coup j’ai vraiement froid, je suis trempé et l’eau ruisselle de partout. Je dégrafe le sac à dos que je vais discrètement poser à proximité de l’eau 5 ou 6 m plus bas. J’attrape mon épuisette, ma canne et la suite est digne d’un entrainement militaire: je me glisse à plat ventre sous les branches pour approcher les poissons qui ont comme d’habitude la très bonne idée de se mettre sous des taillis impénétrables (c’est ce que l’on appelle la loi de l’emmerdement maximum) .


Après quelques belles éraflures et des « dents serrées » quand j’ai attrapé des orties pour les écarter de ma tête j’arrive à deviner correctement les poissons. Je suis maintenant à genoux 1 m au dessus de l’eau… Il ne faut pas faire un seul bruit la berge est creuse et ça résonne énormément. Comment faire pour attraper une de ces belles mémères? Il est possible de faire un lancer arbalète entre les branches et les ronces… mais pour ferrer ça va être galère. Une grosse branche surplombe l’eau et je n’ai que cet endroit de « dégagé » pour tenter ma chance. Bon ben on va tenter le ferrage en tirant sur la soie!!! Qui ne tente rien n’a rien. Je règle mon frein assez lâche… si un poisson prend la mouche et que j’arrive à correctement le ferrer il faudra passer sous les deux branches immergées. Je sais c’est un truc de fou que je tente, mais ça a déjà marché! Comme je l’ai déjà dit, il faut que le poisson file au large!


Je me place et mes premières tentatives seront très mauvaises. Avec la pluie, la berge est très glissante et j’ai du mal à maintenir correctement…   En plus de ça la pluie m’empêche de voir correctement les poissons. Il faut dire que l’averse semble se déchainer sur moi. Qu’à cela ne tienne, je l’aurai. Après avoir tenté sans succès les deux gros poissons de tête, je décide de tenter les trois derniers… Une grosse carpe et deux plus petites. Compliqué de viser dans ces conditions mais le streamer arrive à destination. Réaction immédiate de la grosse carpe qui se retourne et suis des yeux la mouche.  J’ai le coeur qui palpite dans la poitrine. La grosse carpe observe cet intrus… ça va le faire elle y est! C’était sans compter sur une des deux autres carpes qui bouscule sa grande soeur et aspire la mouche!!! Un truc de dingue…


Ferrage instantané en tirant sur la soie… l’instant de vérité qui va se jouer en quelques millième de secondes!!! Et c’est comme si un coup de fusil venait de m’arracher la soie des mains, BINGO! La carpe passe sous les branches et file au large en direction de grands herbiers. je saute à l’eau pointe de la canne dans la direction du poisson, le mouline hurle tout ce qu’il est capable de produire. Je passe la canne sous les deux branches, Je relève, CONTACT!!!  Je suis déjà sur le backing, mais ça se présente bien : la carpe se faufile entre les herbiers au large et le 45/100° m’aide à avoir confiance.


Commence alors un bras de fer, une véritable symphonie de plaisir rythmée par le chant du moulinet! Elle a une énergie de dingue, je suis le poisson jusqu’au milieu de la rivière… j’ai de l’eau jusqu’à la poitrine, canne haute! Ca va dans tous les sens… rien ne semble fatiguer cet obus. C’est jubilatoire de tenir un tel poissons. Ce sont des sensations gravées en moi depuis ma première carpe à la mouche. A de nombreuses reprises, j’amène le poisson dans mes pieds. La pluie continue de tomber, ambiance de bout du monde… lutte contre les éléments et contre cette belle carpe qui est bien décidé à ne pas se laisser faire.


 C’est aussi le grand baptême du feu pour ma nouvelle Loop Multi soie de 8/9… Je n’ai attrapé que de petites carpes avec et je l’ai cassé sur un énorme poisson! Il faut conjurer le sort. Mais là tout se passe bien, le poisson commence à se fatiguer et je n’ai pas oublié de sauter à l’eau avec l’épuisette qui était pliée à côté de moi. J’amène le poisson dans mes pieds dans une zone moins profonde. Pour ne pas faire peur à la carpe je me place au milieu d’herbiers. Hop le poisson passe devant moi, il m’aperçoit fait volte face pour repartir vers le large… Sauf que j’avais prévu le coup! Le poisson se retourne et fonce dans l’épuisette… Quel coup de tête à ce moment là! La queue fouette l’eau. Scène de dingue, mais j’ai vaincu une des mémères de cet endroit magique! Ce n’est pas la plus grosse, mais quel poisson!!!


Je regagne la berge… toujours sous l’averse énorme, qui déverse des litres et des litres d’eau sur cette portion de la région. Je retrouve le sac à dos sur la berge, je pose le réflex… retardateur et quelques photos plus tard, la carpe se faufile dans l’eau sans demander son reste!

 

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Et voilà la belle dans l’épuisette

(Photo : FONTANELLI Julien 2011)

 

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Photo de famille… A noter le temps détestable en arrière plan!

(Photo : FONTANELLI Julien 2011)

 

Heureux, il n’y a pas d’autres mots… ça avait très mal commencé et puis, il a fallu aller le chercher ce poisson. Il y a quelque chose de génial dans cette pêche… toujours repousser les limites et tenter des coups impossibles! C’est à ce prix là que j’espère un jour pêcher une de ces énormes déesses qui hantent nos cours d’eau. Nous courrons tous derrière quelque chose, nous nous fixons des challenges à relever… C’est l’essence même de l’existence.


Je crois que je vais courir encore longtemps et c’est ça qui est génial… bonne soirée!

 

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