Le roncier du fond

 

Le roncier du fond


Voilà quelques sorties que c’est pas ça… Je suis pas « dedans » comme si il y avait quelque chose qui coinçait. Il était grand temps de retourner aux sources et de faire un pèlerinage dans les bois.

Ma décision est prise… malgré le vent et les nombreux ratés de ces dernières semaines (sauf une sortie mémorable avec Etienne, et trois petites carpes au compteur) c’est le moment d’y aller. Cap sur une zone « hostile » que je connais bien. Mais aujourd’hui je décide de m’attaquer à une zone inexplorée histoire de rajouter du piment à l’affaire.

J’arrive tranquillement au bout d’un chemin de terre. Depuis quelques sorties, j’ai pris pour habitude de rajouter un gros jean en toile épaisse par dessus mes waders respirants pour traverser sereinement les ronciers… C’est royal nous y reviendront plus loin. Aujourd’hui ça va être de la pêche à l’arbalète pure…  Pas de chichi : deux longueurs de canne de 30/100°, un bon gros prototype de chiro (avec des pates en faisan) et me voici en route sur les sentiers.

Le vent souffle en bourrasques régulières dans les arbres… le ciel prend une tournure violette. J’adore ce temps qui augmente le contraste des couleurs et où les feuilles virevoltent dans d’infinies arabesques. J’arrive au bord de l’eau. C’est encore légèrement teinté des dernières pluies… Mais pas assez d’eau encore. A mon avis il manque une bonne crue encore pour nettoyer le fond de la rivière.

Je prends cinq minutes pour observer une commune qui fouille une plage de galets en face de moi à bonne distance. Mais quel spectacle… Elle retourne les galets avec insistance et à plusieurs reprises sa caudale dépasse de la surface de l’eau. Superbe spectacle. Ici les carpes communes (comme dans de nombreuses rivières de la région) ont les nageoires orange vif. Après des recherches il semble que ça vient de l’alimentation composée de nombreuses écrevisses. Je ne manquerai pas de vous le confirmer.

Le vent est presque gênant, je suis face à lui et j’ai énormément de mal à voir les poissons. J’attaque sans succès cinq ou six poissons qui bouderont mon chiro et mes imitations de graines*. Changement de stratégie, on va passer aux choses sérieuses et essayer d’aller sur la berge d’en face qui semble impénétrable. En fait j’ai déjà essayé il y a quelques années et je ne suis pas arrivé à passer !

Mais les poissons que je devine en face dans les racines me décident… je contourne largement par le sud la zone et je traverse. Et là les choses compliquées ont commencé ! Je me suis retrouvé dans un infâme roncier en pente, avec de l’argile humide bien glissante et pratiquement pas de prises pour les mains ! Donc, pour me faciliter la vie, j’ai démonté ma canne à mouche… Je pense qu’il m’aura fallu environ quarante cinq minutes de « jungle » pour longer à peine 40 mètres de roncier… Mais la zone était compliquée : de grosses branches dans l’eau qui semblaient bien dangereuses en cas de chute, pas de zones dégagées… la galère ! Je suis encore entrain de m’enlever les épines des mains.

Tant bien que mal, j’arrive après de nombreuses acrobaties pas très académiques et m’accrocher le long d’un tronc d’un gros aulne. A ce moment là je vois plusieurs très grosses carpes sous moi, haaaaaa le rêve, comme dans un fantasme !  Je me laisse glisser le long du tronc (les quelques personnes qui ont eu le courage de me suivre dans ce style de coin comprendront) pour prendre appui sur un autre arbre… et là un énorme bruit dans le roncier suivi d’un monumental plouf ! Je viens de déranger monsieur castor. Sa majesté ne semble pas effrayée, mais je me dis à ce moment là que le coin est foutu.

Je jette un coup d’œil sous moi, et les carpes, bien qu’assez nerveuses sont toujours là ! Il y a un groupe de belles communes de 10 à 15 kg environ je pense et deux énormes carpes  cuir… comme dans un rêve elles continuent de manger entre les souches immergées. En prenant toutes les précautions possibles je remonte ma canne et  je choisi une grosse imitation de chironome rouge… ma mouche à grosse ! Sur celle-là (H4) j’ai rajouté un petit spot rouge vif en mousse sur la tête pour ralentir la chute sous l’eau et la rendre bien visible… Je serre modérément le frein du moulinet pour être efficace en cas de gros rush et hop en route.

Me voilà au moment fatidique qui va peut être couronner une bonne heure d’approche. Mes deux premiers posés sont mauvais… je suis assez mal placé,  à cheval sur une grosse branche et avec de nombreuses branches secondaires devant la tête. Je bouge légèrement (je surplombe tout de même les poissons de 2 mètres environ) et je lance délicatement mon chiro vers le gros poisson de tête… petit plouf qui alerte ce beau spécimen : il regarde descendre la mouche dans la colonne d’eau, mais ma très légère animation à la descente ne semble pas lui convenir… En revanche derrière lui, déboule une belle commune bien profilée qui se jette sur le chiro qui vient de se poser sur les graviers… C’était assez surprenant !

Gros ferrage, sanctionné par un énorme coup de tête sous moi, c’est pendu ! Instantanément le poisson prend le large et moi pendant ce temps je me laisse tomber à l’eau avec tout le bordel : sac à dos, épuisette… bref la totale ! Par chance je touche direct le fond, il ne semble pas y avoir plus de 1.60m d’eau, mais je suis déjà bien trempé ! Pendant ce temps, le poisson prend toujours le large. Je commence à brider en serrant encore plus le frein de mon moulinet ! C’est une furie, combat typique des communes : ça va vite et très loin… Le backing file rapidement dans les anneaux, ça devient sérieux la coquine…  J’adore : de gros coups de tête, ça se tortille… Le paradis !

Je me déplace vers le milieu de la rivière pour mieux contrôler le poisson. Elle revient vers moi par la gauche pour aller dans les branches, gros bridage en force sur le côté et voilà quelle regagne le large ! Environ dix minutes de ce superbe manège et voilà la jolie commune qui glisse dans l’épuisette. Elle est pas grosse au sens strict du terme, mais elle est superbe : bien proportionnée, racée, de superbes nageoires taillées pour les crues et la course… Un bien beau poisson très méritant qui donne le sourire !

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Belle du roncier (Photo : FONTANELLI Julien 2012)

Quelques photos (pas facile le réflex sans la télécommande) et elle retourne à l’eau… J’adore ces très longues approches pleines de « piquant », j’adore me plonger dans les ronciers et pester pendant des heures dans la boue et les épines pour au bout de tout ça piquer un superbe poisson ! C’est un retour aux sources, de vieux instincts enfouis… de la traque, oui une vraie traque sauvage  seul face à la nature… Et ça, franchement j’adore !!!

FONTANELLI Julien


* Il semble que mes imitations de graines ne soient pas du goût de tout le monde et je me suis fait accuser de pêcher avec des imitations d’œufs… ce qui est bien sûr interdit par la législation. Après des contacts avec les autorités compétentes, ces accusations sont infondées et je peux pêcher tranquillement mes carpes avec mes grosses billes en plastique de toutes les couleurs. Pour les tatillons, le plus gros œuf d’eau douce mesure environ 8mm pour le saumon, veillez à avoir des imitations de graines plus grosses !

 

Autre chose, pour moi c’est de la pêche à la mouche ma pratique : je calque mes imitations sur mes observations dans la natures : graines, chironomes, écrevisses, limaces, baies…  Après si ma façon de pêcher à la mouche dérange… moi je m’éclate  une canne à mouche à la main et je cherche à progresser en permanence et repousser les limites de cette traque passionnante  (Bon ok, sauf quand je suis HS…)

 

@ très bientôt et merci à ceux qui me lisent régulièrement.

 

 

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